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   ÀÌ°æÀÇ 
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   Un coeur simple : chapitres I, II annotés
                                                                   Chapitre I

   Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de [Pont-l'Evêque] (1) envièrent à Madame Aubain sa servante Félicité.
   Pour cent francs par an, elle faisait la cuisine et le ménage, cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval,
engraisser les volailles, battre le beurre, et resta fidèle à sa maîtresse, - qui n'était pas cependant une personne
agréable.

(1) chef-lieu de canton du Calvados. Flaubert ÀÇ ¾î¸Ó´Ï°¡ ž °÷.

   Elle avait épousé un beau garçon sans fortune, mort au commencement de 1809, en lui laissant deux enfants très
jeunes avec une quantité de dettes. Alors, elle vendit ses immeubles, sauf la ferme de [Toucques] (2) et la ferme de
[Geffosses] (3)  dont les rentes montaient à cinq mille francs tout au plus, et elle quitta sa maison de Saint-Melaine
pour en habiter une autre moins dispendieuse, ayant appartenu à ses ancêtres et placée derrière les halles.

(2) Pont-l'Evêque ºÏºÎ¿¡ À§Ä¡ÇÑ ¸¶À»·Î Touques ´Â ÀÌ ¸¶À» ±Ùó¿¡ ÀÖ´Â °­ÀÇ À̸§À̱⵵ ÇÔ.
(3) Flaubert ÀÇ ¾î¸Ó´Ï°¡ ¼ÒÀ¯ÇÏ¿´´ø ³ó°æÁö·Î Flaubert ÀÇ ÇüÁ¦°¡ »ó¼ÓÀ» ¹Þ´Â´Ù.

   Cette maison, revêtue d'ardoises, se trouvait entre un passage et une [ruelle] (4) aboutissant à la rivière.
Elle avait [intérieurement] (5) des différences de niveau qui faisaient trébucher. Un vestibule étroit séparait la
cuisine de a salle où Madame Aubain se tenait tout le long du jour, assise près de la croisée dans un fauteuil
de paille. Contre le lambris, peint en blanc, s'alignaient huit chaises d'acajou. Un vieux piano supportait, sous
un baromètre, un tas pyramidal de boîtes et de cartons. Deux [bergères] (6) de tapisserie flanquaient la cheminée
en marbre jaune et de style Louis XV. La pendule, au milieu, représentait un temple de [Vesta] (7) ; - et tout
l'appartement sentait un peu le moisi, car le plancher était plus bas que le jardin.

(4) petite rue étroite.
(5) à l'intérieur.
(6) fauteuils larges et profonds.
(7) la déesse du feu chez les Romains.

   Au premier étage, il y avait d'abord la chambre de « Madame », très grande, tendue d'un papier à fleurs pâles,
et contenant le portrait de « Monsieur » en costume de muscadin. Elle communiquait avec une chambre plus petite,
où l'on voyait deux couchettes d'enfants, sans matelas. Puis venait le salon, toujours fermé, et rempli de meubles
recouverts d'un drap. Ensuite un corridor menait à un cabinet d'étude ; des livres et des paperasses [garnissaient]
(8) les rayons d'une [bibliothèque] (9) entourant de ses trois côtés un large bureau de bois noir. Les deux
[panneaux en retour] (10) disparaissaient sous des dessins à la plume, des paysages à la gouache et des gravures
d'[Audran] (11), souvenirs d'un temps meilleur et d'un luxe évanoui. Une lucarne, au second étage, éclairait la
chambre de Félicité, ayant vue sur les prairies.

(8) remplir, occuper.
(9) ̴ˌ.
(10) µ¹ÃâµÈ ÆÇÀÚ È¤Àº È­ÆÇ (?).
(11) 17, 18¼¼±â¿¡ È°µ¿ÇÑ ÇÁ¶û½º ÆÇÈ­°¡ÀÇ °¡¹®.

   Elle se levait dès l'aube, pour ne pas manquer la messe, et travaillait jusqu'au soir sans interruption ;
puis le dîner étant fini, la vaisselle en ordre et [la porte bien close] (12), elle [enfouissait] (13) la bûche sous
les cendres et s'endormait devant l'âtre, [son rosaire à la main] (14). Personne, dans les marchandages,
ne montrait plus d'entêtement. Quant à la propreté, le poli de ses casseroles faisait le désespoir des autres
servantes. Econome, elle mangeait avec lenteur, et recueillait du doigt sur la table les miettes de son pain,
- un pain de douze livres, cuit exprès pour elle, et qui durait vingt jours.

(12) ¹®´Ü¼ÓÀ» Àß ÇÏ°í.
(13) cacher sous d'autres objets.
(14) Félicité ÀÇ °æ°ÇÇÑ ½Å¾Ó½ÉÀ» µå·¯³»´Â Àå¸é.

   En toute saison elle portait un [mouchoir d'indienne] (15) fixé dans le dos par une épingle, un bonnet lui
cachant les cheveux, des [bas] (16) gris, un jupon rouge, et par-dessus sa [camisole] (17) un tablier à bavette,
comme les infirmières d'hôpital.
   Son visage était maigre et sa voix aiguë. A vingt-cinq ans, on lui en donnait quarante ; dès la cinquantaine,
elle ne marqua plus aucun âge ; - et, toujours silencieuse, la taille droite et les gestes mesurés, semblait une
femme en bois, fonctionnant d'une manière automatique.

(15) ±×¸²ÀÌ Àְųª ÀμâÇÑ ¸éÁ÷À¸·Î ¸¸µç ¿©¼º¿ë ¸Ó¸® ¼ö°Ç.
(16) ¿©¼º¿ë ±ä ¾ç¸», ½ºÅ¸Å·.
(17) ¼Ò¸Å¾ø´Â ¿©¼º¿ë ¼Ó¿Ê.


                                                         Chapitre II

   Elle avait eu, comme une autre, son histoire d'amour. Son père, un maçon, s'était tué en tombant d'un
[échafaudage] (1). Puis sa mère mourut, ses soeurs se dispersèrent, un fermier la recueillit, et l'employa
[toute petite] (2) à garder les vaches dans la campagne. Elle [grelottait] (3) sous des haillons, buvait
à plat ventre l'eau des mares, couchait sur la paille, servait les domestiques, [à propos de rien] (4)
était battue, et finalement fut chassée pour un vol de trente sols, qu'elle n'avait pas commis. Elle entra
dans une autre ferme, y devint [fille de basse-cour] (5), et, comme elle plaisait aux patrons, ses camarades
la jalousaient.

(1) °ÇÃà °ø»çÀåÀÇ ºñ°è.
(2) ¾ÆÁÖ ¾î¸° ³ªÀÌÀÇ ±×³à¸¦.
(3) ÃßÀ§¿¡ ¶³´Ù : trembler de froid.
(4) ¾Æ¹« ÀÌÀ¯µµ ¾øÀÌ.
(5) ´ßÀ̳ª Åä³¢¿Í °°Àº °¡±ÝÀ» µ¹º¸´Â ¿©¾Æ.

   Un soir du mois d'août (elle avait alors dix-huit ans), ils l'entraînèrent à l'assemblée de [Colleville] (6). Tout de
suite,elle fut étourdie, stupéfaite par le tapage des ménétriers, les lumières dans les arbres, la bigarrure
des costumes, les dentelles, les croix d'or, cette [masse de monde sautant à la fois] (7). Elle se tenait
à l'écart modestement, quand un jeune homme d'apparence cossue et qui fumait sa pipe les deux coudes
sur le [timon d'un banneau] (8), vint l'inviter à la danse. Il lui paya du cidre, du café, de la galette, un foulard,
et, [s'imaginant qu'elle le devinait] (9), offrit de la reconduire. Au bord d'un champ d'avoine, il la renversa
brutalement. Elle eut peur et se mit à crier. Il s'éloigna.

(6) Flaubert °¡ Áö¾î³½ µµ½ÃÀÇ À̸§.
(7) ÇѲ¨¹ø¿¡ ¶Ù¾î´Ù´Ï´Â ±ºÁßµé.
(8) ÀÛÀº ¼ö·¹ÀÇ Ã¤ : ¼ö·¹¸¦ ²ô´Â ¸¶¼Ò¿Í ¿¬°á½ÃÅ°´Â ºÎºÐ.
(9) ±×³à°¡ ±×·± »ý°¢À» ÇÒ °ÍÀ̶ó ÁüÀÛÇÏ°í.

   Un autre soir, sur la route de Beaumont, elle voulut dépasser un grand chariot de foin qui avançait lentement,
et en frôlant les roues elle reconnut Théodore.
   Il l'aborda d'un air tranquille, disant qu'il fallait tout pardonner, puisque c'était « la faute de [la boisson] (10) ».
   Elle ne sut que répondre et avait envie de s'enfuir.
   Aussitôt il parla des récoltes et [des notables de la commune] (11), car son père avait abandonné Colleville
pour la ferme des Ecots, de sorte que maintenant ils se trouvaient voisins. - « Ah ! » dit-elle. Il ajouta
qu'on désirait l'[établir] (12). Du reste il n'était pas pressé, et attendait une femme à son goût. Elle baissa la tête.
Alors il lui demanda si elle pensait au mariage. Elle [reprit] (13), en souriant, que c'était mal de se moquer.
- « Mais non, je vous jure ! » et du bras gauche il lui entoura la taille. Elle marchait soutenue par son étreinte ;
ils se ralentirent. Le vent était mou, les étoiles brillaient, l'énorme charretée de foin oscillait devant eux ;
et les quatre chevaux, en traînant leurs pas, soulevaient de la poussière. Puis, sans commandement,
ils tournèrent à droite. Il l'embrassa encore une fois. Elle disparut dans l'ombre.

(10) la boisson alcoolique.
(11) ¸¶À»ÀÇ À¯Áöµé.
(12) °áÈ¥½ÃÅ°´Ù : marier.
(13) répondre.

   Théodore, la semaine suivante, en obtint des rendez-vous.
   Ils se rencontraient au fond des cours, derrière un mur, sous un arbre isolé. Elle [n'était pas innocente] (14)
à la manière des demoiselles, - les animaux l'avaient instruite ; - mais la raison et l'instinct de l'honneur
l'empêchèrent de [faillir] (15). Cette [résistance] (16) exaspéra l'amour de Théodore, si bien que pour le satisfaire
(ou naïvement peut-être) il proposa de l'épouser. Elle hésitait à le croire. Il fit de grands serments.

(14) ¼º¿¡ ´ëÇÏ¿© ¹«ÁöÇÏÁö ¾Ê¾Ò´Ù.
(15) Á¤Á¶¸¦ ÀÒ´Â °Í.
(16) ¸öÀ» Çã¶ôÇÏÁö ¾Ê´Â °Í.

   Bientôt il avoua [quelque chose de fâcheux] (17) : ses parents, l'année dernière, lui avaient acheté
[un homme] (18) ; mais [d'un jour à l'autre] (19) on pouvait le reprendre ; l'idée de [servir] (20) l'effrayait.
Cette couardise fut pour Félicité une preuve de [tendresse] (21) ; la sienne en redoubla. Elle s'échappait
la nuit, et parvenue au rendez-vous, Théodore la torturait avec ses [inquiétudes et ses instances] (22).

(17) À¯°¨½º·¯¿î ÀÏ.
(18) Théodore ¸¦ ´ë½ÅÇÏ¿© ±º´ë¿¡ °¥ »ç¶÷.
(19) ¾ðÁ¦µçÁö.
(20) service militaire.
(21) amour.
(22) ±º´ë¿¡ °¡´Â °ÆÁ¤°ú »ç¶û¿¡ ¾ÖŸ´Â ¸¶À½.

   Enfin, il annonça qu'il irait lui-même à la Préfecture prendre des [informations] (23), et les apporterait
dimanche prochain, entre onze heures et minuit. Le moment arrivé, elle courut vers [l'amoureux] (24).
   A sa place, elle trouva un de ses amis.
   Il lui apprit qu'elle ne devait plus le revoir. Pour se garantir de [la conscription] (25), Théodore avait
épousé une vieille femme très riche, Mme Lehoussais, de Toucques.
   Ce fut un chagrin désordonné. Elle se jeta par terre, poussa des cris, appela le bon Dieu et gémit toute seule dans
la campagne jusqu'[au soleil levant] (26). Puis, elle revint à la ferme, déclara son intention d'en partir ; et,
[au bout du mois, ayant reçu ses comptes] (27), elle enferma tout son petit bagage dans un mouchoir, et
[se rendit à] (28) Pont-l'Evêque.

(23) ±ºº¹¹«¿Í °áÈ¥ ÀýÂ÷¿¡ ´ëÇÑ ¹®ÀÇ.
(24) Il s'agit de Théodore.
(25) ±º´ë¿¡·ÎÀÇ Â¡Áý.
(26) au lever du jour.
(27) ¿ù¸»¿¡ ±Þ·á¸¦ ¹Þ°í.
(28) aller à.

   Devant l'auberge, elle questionna une bourgeoise en capeline de veuve, et qui précisément cherchait une
cuisinière. La jeune fille ne savait pas grand-chose, mais paraissait avoir tant de bonne volonté et si peu
d'[exigences] (29) que Madame Aubain finit par dire « - Soit, je vous accepte ! »
   Félicité, un quart d'heure après, était installée chez elle.
   D'abord, elle y vécut dans une sorte de tremblement, que lui causaient « le genre de la maison » et
[le souvenir de « Monsieur », planant sur tout] (30) ! [Paul et Virginie] (31), l'un âgé de sept ans, l'autre de
quatre à peine, lui semblaient formés d'une matière précieuse ; elle les portait sur son dos comme un cheval ;
et Madame Aubain lui défendit de les baiser à chaque minute, ce qui la [mortifia] (32). Cependant elle se trouvait
heureuse. [La douceur du milieu] (33) avait fondu sa tristesse.

(29) ±Þ·á³ª ó¿ì¿¡ ´ëÇÑ ¿ä±¸.
(30) Áý¾È Àüü¿¡ Monsieur Aubain À» ¶°¿Ã¸®°Ô ÇÏ´Â °ÍµéÀÌ °¡µæÇÑ »óÅÂ.
(31) Les personnages du roman de Bernardin de Saint-Pierre.
(32) blesser.
(33) Áý¾ÈÀÇ ºÎµå·¯¿î ºÐÀ§±â.

   Tous les jeudis, des habitués venaient faire une partie de [boston] (34). Félicité préparait d'avance, les cartes
et les [chaufferettes] (35). Ils arrivaient à huit heures [bien juste], et se retiraient avant le coup de onze.
   Chaque lundi matin, le brocanteur qui logeait sous l'allée étalait par terre ses ferrailles. Puis la ville se remplissait
d'un bourdonnement de voix, où se mêlaient des hennissements de chevaux, des bêlements d'agneaux, des
grognements de cochon, avec le bruit sec des carrioles dans la rue. Vers midi, [au plus fort du marché] (36), on
voyait paraître sur le seuil un vieux paysan de haute taille, la casquette en arrière, le nez crochu, et qui était
Robelin, le fermier de Geffosses. Peu de temps après, - c'était Liébard, le fermier de Toucques, petit, rouge,
[obèse] (37), portant une veste grise et des houseaux armés d'éperons.
   Tous deux offraient à [leur propriétaire]
(38) des poules ou des fromages. Félicité invariablement déjouait,
leurs [astuces] (39) ; et ils s'en allaient,
pleins de considération pour elle.

(34) ¿¾ Ä«µå³îÀÌÀÇ ÀÏÁ¾.
(35) ¹ßÀ» µû¶æÇÏ°Ô ÇÏ´Â µµ±¸.
(36) ÀåÅÍ¿¡ ¼Õ´ÔµéÀÌ °¡Àå ¸ô¸®´Â ¶§.
(37) maigre ÀÇ »ó´ë¾î.
(38) Il s'agit de Madame Aubain.
(39) ±³È°ÇÑ ¼öÀÛ.

   A des époques indéterminées, Mme Aubain recevait la visite du marquis de Gremanville, un de ses oncles,
ruiné par [la crapule] (40) et vivant à [Falaise] (41) sur le [dernier lopin de ses terres] (42). Il se présentait
toujours à l'heure du déjeuner, avec un affreux caniche dont les pattes salissaient tous les meubles. Malgré
[ses efforts pour paraître gentilhomme] (43) jusqu'à soulever son chapeau chaque fois qu'il disait : « Feu mon
père », l'habitude l'entraînant, il [se versait à boire] (44) coup sur coup et lâchait [des gaillardises] (45).
Félicité le poussait dehors poliment : « Vous en avez assez, monsieur de Gremanville ! A une autre fois ! »
Et elle refermait la porte.

(40) ¼úÁÖÁ¤°ú ¹æÅÁÇÑ Çൿ.
(41) Calvados Áö¹æÀÇ µµ½Ã À̸§.
(42) ¸¶Áö¸· ³²Àº ¾ó¸¶ ¾ÈµÇ´Â ÅäÁö.
(44) ÀڱⰡ ¸¶½Ç ¼úÀ» ½º½º·Î µû¸£´Â °Í.
(45) Ç°À§¸¦ ÁöÅ°Áö ¸øÇÏ´Â ÇÔºÎ·Î¿î ¾ð»ç.

   Elle l'ouvrait avec plaisir devant M. Bourais, ancien [avoué] (46). Sa cravate blanche et sa [calvitie] (47),
le jabot de sa chemise, [son ample redingote] (48) brune, sa façon de priser en arrondissant le bras, tout son
individu lui produisait ce trouble où nous jette le spectacle des hommes extraordinaires.
   Comme il gérait les propriétés de Madame, il s'enfermait avec elle pendant des heures dans le cabinet
de « Monsieur », et craignait toujours de se compromettre, respectait infiniment la magistrature,
avait [des prétentions au latin] (49).

(46) ¼Ò¼Û´ë¸®ÀÎ.
(47) la tête chauve.
(48) ³Ë³ËÇÏ°Ô ÀÔ´Â ±×ÀÇ ÇÁ·ÏÄÚÆ®.
(49) ¶óƾ¾î¿¡ ´ëÇÑ ÀںνÉ.

   Pour instruire les enfants d'une manière agréable, il leur fit cadeau d'une [géographie en estampes] (50).
Elles représentaient différentes scènes du monde, des anthropophages coiffés de plumes, un singe enlevant
une demoiselle, des Bédouins dans le désert, une baleine qu'on harponnait, etc.
   Paul donna l'explication de ces gravures à Félicité. Ce fut même toute son éducation littéraire.
   Celle des enfants était faite par Guyot, un pauvre diable employé à la Mairie, fameux pour [sa belle main] (51),
etqui repassait son canif sur sa botte.

(50) ÆÇÈ­·Î µÈ ÁöµµÃ¥.
(51) avoir une belle main : ±Û¾¾¸¦ Àß ¾²´Ù.

   Quand le temps était clair, on s'en allait [de bonne heure] (52) à la ferme de Geffosses.
   La cour est en pente, la maison dans le milieu ; et la mer, au loin, apparaît comme une tache grise.
   Félicité retirait de son [cabas] (53) des [tranches de viande froide] (54), et on déjeunait dans un appartement
[faisant suite à la laiterie] (55). Il était le seul reste d'une [habitation de plaisance] (56) maintenant disparue.
Le papier de la muraille, en lambeaux, tremblait aux courants d'air. Mme Aubain penchait son front, accablée
de souvenirs ; les enfants n'osaient plus parler. « Mais jouez donc ! » disait-elle ; ils [décampaient] (57).

(52) ÀÏÂï.
(53) corbeille, panier.
(54) comme jambons.
(55) ¿ìÀ¯º¸°ü¼Ò ´ÙÀ½¿¡ ÀÖ´Â.
(56) ÈÞ¾ç ¸ñÀûÀ¸·Î ¼¼¿î °Ç¹°.
(57) se sauver.

   Paul montait dans la grange, attrapait des oiseaux, [faisait des ricochets] (58) sur la mare, ou tapait
avec un bâton les grosses futailles qui résonnaient comme des tambours.
   Virginie donnait à manger aux lapins, se précipitait pour cueillir des bluets, et la rapidité de ses jambes
découvrait ses [petits pantalons] (59) brodés.

(58) ¹°¼öÁ¦ºñ¸¦ ÇÏ´Ù.
(59) ¿©ÀÚ¿ë ¼Ó¹ÙÁö.

   Un soir d'automne, on s'en retourna par les herbages.
   [La lune à son premier quartier] (60) éclairait une partie du ciel, et un brouillard flottait comme une écharpe
sur les sinuosités de la Toucques. Des boeufs, étendus au milieu du gazon, regardaient tranquillement
[ces quatre personnes passer] (61). Dans la troisième [pâture] (62), quelques-uns se levèrent, puis se mirent
en rond devant elles. - « Ne craignez rien ! » dit Félicité ; et, murmurant une sorte de complainte, elle flatta sur
l'échine, celui qui se trouvait le plus près ; il [fit volte-face] (63), les autres l'imitèrent. Mais quand l'herbage
suivant fut traversé, un beuglement formidable s'éleva. C'était un [taureau] (64) que cachait le brouillard.

(60) »óÇö´Þ ; dernier quartier ÇÏÇö´Þ.
(61) Madame Aubain, Félicité, Paul et Virginie.
(62) ÃÊÁö herbage, prairie.
(63) ¹Ý´ë ¹æÇâÀ¸·Î °¡´Ù.
(64) vache ÀÇ »ó´ë¾î.

Il avança vers les deux femmes. Mme Aubain allait courir. - « Non ! non ! moins vite ! » Elles [pressaient le
pas] (65) cependant, et entendaient par-derrière un souffle sonore qui se rapprochait. [Ses sabots] (66),
comme des marteaux, battaient l'herbe de la prairie ; voilà qu'il galopait maintenant ! Félicité se retourna et
elle arrachait à deux mains [des plaques de terre] (67) qu'elle lui jetait dans les yeux. Il baissait le mufle,
secouait les cornes et tremblait de fureur en beuglant horriblement. Mme Aubain, au bout de l'herbage avec
ses deux petits, cherchait éperdue comment franchir [le haut-bord] (68). Félicité reculait toujours devant
le taureau, et continuellement lançait des mottes de gazon qui l'aveuglaient, tandis qu'elle criait :
- « Dépêchez-vous ! dépêchez-vous ! »
   Mme Aubain descendit le fossé, poussa Virginie, Paul ensuite, tomba plusieurs fois en tâchant de gravir
le talus, et à force de courage y parvint.
   Le taureau avait [acculé] (69) Félicité contre une claire-voie ; sa bave lui rejaillissait à la figure, une
seconde de plus il l'éventrait. Elle eut le temps de se couler entre deux barreaux, et la grosse bête, toute
surprise, s'arrêta.
   Cet événement, pendant bien des années, fut un sujet de conversation à Pont-l'Evêque.
[Félicité n'en tira aucun orgueil] (70), ne se doutant même pas qu'elle eût rien fait d'héroïque.

(65) ¹ß°ÉÀ½À» ÀçÃËÇÏ´Ù.
(66) Ȳ¼ÒÀÇ ¹ß±Á¼Ò¸®.
(67) Èëµ¢ÀÌ.
(68) ³ôÀº ¿ïŸ¸®.
(69) ±ÃÁö·Î ¸ô´Ù.
(70) Félicité ´Â ±× »ç°Ç¿¡ ´ëÇÏ¿© ¾î¶² ¿ìÂáÇÔµµ º¸¿©ÁÖÁö ¾Ê¾Ò´Ù.

   Virginie l'occupait exclusivement ; - car elle eut, à la suite de [son effroi] (71), une affection nerveuse,
et M. Poupart, le docteur, conseilla les bains de mer de Trouville.
   Dans ce temps-là, [ils n'étaient pas fréquentés] (72). Mme Aubain prit des renseignements, consulta Bourais,
fit des préparatifs, comme pour un long voyage.

(71) ¸ñÀåÀÇ È²¼Ò¶§¹®¿¡ ³î¶õ ÀÏ.
(72) Çؼö¿åÀ» ÇÏ´Â »ç¶÷µéÀÌ ¸¹Áö´Â ¾Ê¾Ò´Ù.

   Ses colis partirent la veille, dans la charrette de [Liébard] (73). Le lendemain, il amena deux chevaux
dont l'un avait une selle de femme, munie d'un dossier de velours ; et sur la croupe du second un manteau
roulé formait une manière de siège. Mme Aubain y monta, derrière lui. Félicité se chargea de Virginie, et
Paul enfourcha l'âne de M. Lechaptois, [prêté sous la condition d'en avoir grand soin] (74).

(73) Madame Aubain ÀÇ ³óÁö¸¦ °æÀÛÇÏ´Â ¼ÒÀÛÀÎ °¡¿îµ¥ ÇÑ ¸í.
(74) ¾ÆÁÖ Á¶½ÉÇÏ¿© »ç¿ëÇÑ´Ù´Â Á¶°ÇÀ¸·Î ºô¸°.

   La route était si mauvaise que ses huit kilomètres exigèrent deux heures. Les chevaux enfonçaient
jusqu'aux paturons dans la boue, et faisaient pour en sortir de brusques mouvements des hanches ; ou bien
ils butaient contre les ornières ; [d'autres fois] (75), il leur fallait sauter. La jument de Liébard, à de certains
endroits, s'arrêtait tout à coup. Il attendait patiemment qu'elle se remît en marche ; et il parlait des personnes
dont les propriétés bordaient la route, ajoutant à leur histoire des réflexions morales. Ainsi, au milieu de
Toucques, comme on passait sous des fenêtres entourées de capucines, il dit, avec un haussement d'épaules :
- « En voilà une, Mme Lehoussais, qui au lieu de prendre [un jeune homme] (76) ... » Félicité n'entendit pas
le reste ; les chevaux trottaient, l'âne galopait ; tous enfilèrent un sentier, une barrière tourna, deux
garçons parurent, et l'on descendit devant le purin, sur le seuil même de la porte.

(75) ¶Ç ´Ù¸¥ °æ¿ì¿¡´Â.
(76) Il s'agit de Théodore.

   La mère Liébard, en apercevant sa maîtresse, prodigua les démonstrations de joie. Elle lui servit un
déjeuner, où il y avait un aloyau, des tripes, du boudin, une fricassée de poulet, du cidre mousseux, une tarte
aux compotes et des prunes à l'eau-de-vie, accompagnant le tout de politesses à Madame qui paraissait en
meilleure santé, à [Mademoiselle] (77) devenue « magnifique », à M. Paul singulièrement « forci », sans oublier
leurs grands-parents défunts, que les Liébard avaient connus, étant au service de la famille depuis plusieurs
générations. La ferme avait, comme eux, un caractère d'ancienneté. Les poutrelles du plafond étaient vermoulues,
les murailles noires de fumée, les carreaux gris de poussière. Un dressoir en chêne [supportait] (78) toutes sortes
d'ustensiles, des brocs, des assiettes, des écuelles d'étain, des pièges à loup, des forces pour les moutons ;
une seringue énorme fit rire les enfants. [Pas un arbre des trois cours qui n'eût des champignons à sa
base] (79), ou dans ses rameaux une touffe de gui. Le vent en avait jeté bas plusieurs. Ils avaient repris
par le milieu ; et tous fléchissaient sous la quantité de leurs pommes. Les toits de paille, pareils à du velours
brun et inégaux d'épaisseur, résistaient aux plus fortes bourrasques. Cependant la charreterie tombait en
ruine. Mme Aubain dit qu'elle [aviserait] (80) et commanda de reharnacher [les bêtes] (81).

(77) Il s'agit de Virginie.
(78) comporter.
(79) Tous les arbres des trois cours ont des champignons à leur base.
(80) penser à la réparation.
(81) les chevaux et l'âne.

   On fut encore une demi-heure avant d'atteindre Trouville. [La petite caravane] (82) [mit pied à terre] (83)
pour passer les Ecores ; [c'était une falaise surplombant des bateaux] (84) ; et trois minutes plus tard, au bout
du quai, on entra dans la cour de l'Agneau d'or, chez la mère David. 
   Virginie, dès les premiers jours, se sentit moins faible, résultat du changement d'air et de [l'action des
bains] (85). Elle les prenait en chemise, à défaut d'un costume ; et sa bonne la rhabillait dans une cabane
de douanier qui servait aux baigneurs.

(82) ÀûÀº ¼öÀÇ Çà¿­.
(83) descendre des chevaux.
(84) Àýº® ¾Æ·¡¿¡´Â ¹èµéÀÌ ÀÖ¾ú´Ù.
(85) Çؼö¿åÀÇ °á°ú.

   L'après-midi, on s'en allait avec l'âne au-delà des Roches-Noires, du côté d'[Hennequeville] (86). Le sentier,
d'abord montait entre des terrains vallonnés comme la pelouse d'un parc, puis arrivait sur un plateau où alternaient
des pâturages et des champs en labour. A la lisière du chemin, dans le fouillis des ronces, des houx se dressaient ;
[çà et là] (87), un grand arbre mort faisait sur l'air bleu des zigzags avec ses branches.

(86) Trouville µ¿ÂÊ¿¡ ÀÖ´Â Áö¿ª.
(87) ¿©±â Àú±â¿¡.

   Presque toujours on se reposait dans un pré, ayant Deauville à gauche, Le Havre à droite et en face la
pleine mer. [Elle] (88) était brillante de soleil, lisse comme un miroir, tellement douce qu'on entendait à peine
son murmure ; des moineaux cachés pépiaient, et [la voûte immense du ciel] (89) recouvrait tout cela. Mme Aubain,
assise, travaillait à son [ouvrage de couture] (90) ; Virginie près d'elle tressait des joncs ; Félicité sarclait des
fleurs de lavande ; Paul, qui s'ennuyait, voulait partir.

(88) la mer.
(89) °Å´ëÇÑ ±Ã¸¢°ú °°Àº ÇÏ´Ã.
(90) ¹Ù´ÀÁú.

   D'autres fois, ayant passé la Toucques en bateau, ils cherchaient des coquilles. [La marée basse] (91) laissait
à découvert des oursins, des godefiches, des méduses ; et les enfants couraient, pour saisir des flocons d'écume
que le vent emportait. Les flots endormis, en tombant sur le sable se déroulaient [le long de la grève] (92) ;
elle [s'étendait à perte de vue] (93), mais du côté de la terre avait pour limite les dunes la séparant du Marais,
large prairie en forme d'hippodrome. Quand ils revenaient par là, Trouville, au fond [sur la pente du
coteau] (94), à chaque pas grandissait, et avec toutes ses [maisons inégales] (95) semblait s'épanouit
dans un désordre gai.

(91) ½ä¹° ; la marée haute ¹Ð¹°.
(92) ¸ð·¡ÅéÀ» µû¶ó.
(93) ±î¸¶µæÈ÷ ÆîÃÄÁö´Ù.
(94) ºñÅ»Áø ¾ð´ö¿¡¼­.
(95) Å©±â°¡ ¼­·Î ´Ù¸¥ Áýµé.

   Les jours qu'il faisait trop chaud ils ne sortaient pas de leur chambre. L'éblouissante clarté du dehors
plaquait [des barres de lumière] (96) entre les lames des jalousies. Aucun bruit dans le village. En bas,
sur le trottoir, personne. Ce silence épandu augmentait la tranquillité des choses. Au loin, les marteaux des
calfats tamponnaient des carènes, et [une brise lourde] (97) apportait la senteur du goudron.

(96) ºûÁÙ±â.
(97) ³¯¾¾°¡ ¹«´õ¿î °¡¿îµ¥ ºÎ´Â ¹Ù¶÷.

   Le principal divertissement était le retour des barques. Dès qu'elles avaient franchi [les balises] (98),
elles commençaient à louvoyer. Leurs voiles descendaient aux deux tiers des mâts ; et, la misaine gonflée
comme un ballon, [elles] (99) avançaient, glissaient dans le clapotement des vagues, jusqu'au milieu du port,
où l'ancre tout à coup tombait. Ensuite le bateau se plaçait contre le quai. Les matelots jetaient par-dessus
le bordage [des poissons palpitants] (100) ; une file de charrettes les attendait, et des femmes en bonnet
de coton s'élançaient pour prendre les corbeilles et embrasser leurs hommes.

(98) Ç׷ΠǥÁö.
(99) les barques.
(100) ¾ÆÁ÷ »ì¾Æ¼­ ÆÞÆÞ ¶Ù´Â »ý¼±.

   Une d'elles un jour aborda Félicité, qui peu de temps après entra dans la chambre, toute joyeuse. Elle avait
trouvé une soeur ; et Nastasie [Barette] (101), femme Leroux, apparut, tenant un nourrisson à sa poitrine,
de la main droite un autre enfant. A sa gauche un petit mousse les poings sur les hanches et le béret sur l'oreille.
   Au bout d'un quart d'heure, Mme Aubain la [congédia] (102).
   On les rencontrait toujours aux abords de la cuisine, ou dans les promenades que l'on faisait.
Le mari ne se montrait pas. 

(101) Félicité ÀÇ ¼º : Félicité Barette.
(102) µ¹·Áº¸³»´Ù.

   Félicité se prit d'affection pour eux. Elle leur acheta une couverture, des chemises, un fourneau ; evidemment
[ils] (101) l'exploitaient. Cette faiblesse agaçait Mme Aubain, qui d'ailleurs n'aimait pas les familiarités du
[neveu] (102),- car il tutoyait son fils ; - et, comme Virginie toussait et que la saison n'était plus bonne, elle
revint [à Pont-l'Evêque] (103).

(101) la famille Leroux.
(102) Il s'agit de Victor.
(103) à sa résidence principale.

   M. Bourais l'éclaira sur le choix d'un collège. Celui de Caen passait pour le meilleur. Paul y fut envoyé ;
et fit bravement ses adieux, satisfait d'aller vivre dans une maison où il aurait des camarades.
   Mme Aubain se résigna à l'éloignement de son fils, parce qu'il était indispensable. Virginie [y] (104) songea
de moins en moins. Félicité regrettait [son tapage] (105). Mais une occupation vint la distraire. A partir de
Noël, elle mena tous les jours la petite fille au catéchisme.

(104) à l'éloignement de son frère Paul.
(105) Paul ÀÇ ¼Ò¶õ½º·¯¿î Çൿ.



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