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   ÀÌ°æÀÇ 
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   Un coeur simple : chapitre III annoté
                                                              Chapitre III

   [Quand elle avait fait à la porte une génuflexion] (1), elle s'avançait sous la haute nef entre la double ligne des
chaises, ouvrait [le banc de Mme Aubain] (2), s'asseyait, et promenait ses yeux autour d'elle.
   Les garçons à droite ; les filles à gauche, emplissaient [les stalles du choeur] (3) ; le curé se tenait debout
près du lutrin ; sur un vitrail de l'abside, le Saint-Esprit dominait la Vierge ; [un autre] (4) [la] (5) montrait à genoux
devant l'Enfant Jésus, et, derrière le tabernacle, un groupe en bois représentait [saint Michel] (6) terrassant le
dragon.

(1) Après avoir fait à la porte une génuflexion.
(2) Aubain ºÎÀÎ Àü¿ë Á¼®.
(3) ¼º°¡´ëÀÇ Á¼®.
(4) un autre vitrail.
(5) la Vierge.
(6) ¼º ¹ÌÄ«¿¤ ´ëõ»ç.

   Le prêtre fit d'abord un abrégé de l'Histoire Sainte. Elle croyait voir le paradis, le déluge, la tour de Babel, des
villes tout en flammes, des peuples qui mouraient, des idoles renversées ; et elle garda de cet éblouissement
le respect du [Très-Haut] (7) et la crainte de sa colère. Puis elle pleura en écoutant [la Passion] (8). Pourquoi
l'avaient-ils crucifié, lui qui chérissait les enfants, nourrissait les foules, guérissait les aveugles, et avait voulu,
par douceur, naître au milieu des pauvres sur le fumier d'une étable ? Les semailles, les moissons, les pressoirs,
toutes ces choses familières dont parle [l'Evangile] (9) se trouvaient dans sa vie ; le passage de Dieu les avait
sanctifiées ; et elle aima plus tendrement les agneaux par amour de [l'Agneau] (10), les colombes à cause
du Saint-Esprit.

(7) ÇÏ´À´Ô.
(8) ¿¹¼öÀÇ ¼ö³­.
(9) º¹À½, ¼º¼­.
(10) ÇÏ´À´ÔÀÇ ¾î¸° ¾ç, ¿¹¼ö ±×¸®½ºµµ.

   Elle avait peine à imaginer [sa personne] (11) ; car il n'était pas seulement oiseau, mais encore un feu, et
d'autres fois un souffle. C'est peut-être sa lumière qui voltige la nuit aux bords des marécages, son haleine qui
pousse les nuées, sa voix qui rend les cloches harmonieuses ; et elle demeurait dans une adoration, jouissant de la
fraîcheur des murs et de la tranquillité de l'église.
   Quant aux [dogmes] (12), elle n'y comprenait rien, ne tâcha même pas de comprendre. Le curé discourait, les
enfants récitaient, elle finissait par s'endormir ; et se réveillait tout à coup, quand ils faisaient en s'en allant claquer
leurs sabots sur [les dalles] (13).
   Ce fut de cette manière, à force de l'entendre, qu'elle apprit le catéchisme, son éducation religieuse
ayant été négligée dans sa jeunesse ; et dès lors elle imita toutes les pratiques de Virginie, jeûnait comme elle,
se confessait avec elle. A la Fête-Dieu, elles firent ensemble un reposoir.

(11) La personne du Saint-Esprit.
(12) ±³¸®¹®´ä catéchisme ÀÇ ³»¿ë.
(13) ±³È¸ ¹Ù´ÚÀÇ Å¸ÀÏ.

   La première communion [la] (13) tourmentait d'avance. Elle s'agita pour les souliers, pour le chapelet, pour le livre,
pour les gants. Avec quel tremblement elle aida sa mère à l'habiller ! Pendant toute la messe, elle éprouva une
angoisse. M. Bourais lui cachait un côté du choeur ; mais juste en face, [le troupeau] (14) des vierges portant des
couronnes blanches par-dessus [leurs voiles] (15) abaissés formait comme un champ de neige ; et elle
reconnaissait de loin la chère petite à son cou plus mignon et son attitude recueillie. La cloche tinta. Les têtes
se courbèrent ; il y eut un silence. Aux éclats de l'orgue, les chantres et la foule entonnèrent [l'Agnus Dei] (16) ;
puis le défilé des garçons commença ; et, après eux, les filles se levèrent. Pas à pas, et les mains jointes
elles allaient vers l'autel tout illuminé, s'agenouillaient sur la première marche, recevaient [l'hostie] (17)
successivement, et dans le même ordre revenaient à leurs prie-Dieu. Quand ce fut le tour de Virginie, Félicité
se pencha pour la voir ; et, avec l'imagination que donnent les vraies tendresses, il lui sembla qu'elle était elle-même
cette enfant ; [sa figure devenait la sienne, sa robe l'habillait, son coeur lui battait dans la poitrine ; au moment
d'ouvrir la bouche, en fermant les paupières, elle manqua s'évanouir] (18).

(13) Il s'agit de Félicité.
(14) ±âµ¶±³ ½ÅÀÚ.
(15) ¹Ì»çº¸.
(16) ÇÏ´À´ÔÀÇ ¾î¸° ¾ç.
(17) ¼ºÃ¼ÀÇ »§.
(18) Félicité °¡ Virginie ¿Í ÇÕÀϵǴ °Í °°Àº ´À³¦.

   Le lendemain, [de bonne heure] (19), elle se présenta dans [la sacristie] (20), pour que M. le curé lui
donnât la communion. Elle la reçut dévotement, mais n'y goûta pas les mêmes délices. Mme Aubain voulait faire
de sa fille [une personne accomplie] (21) ; et, comme Guyot ne pouvait lui montrer ni l'anglais ni la musique, elle
résolut de la mettre en pension chez [les Ursulines] (22) d'Honfleur. L'enfant n'objecta rien. Félicité soupirait,
trouvant Madame insensible. Puis elle songea que sa maîtresse, peut-être, avait raison. Ces choses dépassaient
sa compétence.

(19) ÀÏÂï.
(20) Á¦ÀǽÇ.
(21) ¿©·¯ °¡Áö ±³¾çÀ» µÎ·ç °®Ãá »ç¶÷.
(22) 1537³â¿¡ ¼³¸³µÈ ¼º ¿ì¸£¼ú¶ó µ¿Á¤È¸ÀÇ ¼ö³àȸ.

   Enfin, un jour, une vieille [tapissière] (23) s'arrêta devant la porte ; et il en descendit une religieuse qui venait
chercher Mademoiselle. Félicité monta les bagages sur [l'impériale] (24), fit des recommandations au cocher, et
plaça dans le coffre six pots de confitures et une douzaine de poires, avec un bouquet de violettes.
   Virginie, au dernier moment, fut prise d'un grand sanglot. Elle embrassait sa mère qui la baisait au front,
en répétant. - « Allons ! du courage ! du courage ! » Le marchepied se releva, la voiture partit.

(23) ÁöºØÀÌ ÀÖ´Â °¡º­¿î Áß·®ÀÇ ¸¶Â÷.
(24) ¸¶Â÷ÀÇ À­ºÎºÐ, »óºÎ.

   Alors Mme Aubain [eut une défaillance] (25) ; et le soir tous ses amis, [le ménage Lormeau] (26), Mme Lechaptois,
ces demoiselles Rochefeuille, M. de Houppeville et Bourais se présentèrent pour la consoler.
   [La privation de sa fille] (27) lui fut d'abord très douloureuse. Mais trois fois la semaine elle en recevait une
lettre, les autres jours lui écrivait, se promenait dans son jardin, lisait un peu, et de cette façon comblait le vide des
heures.

(25) ±âÀýÇÏ´Ù, È¥ÀýÇÏ´Ù.
(26) Lormeau ºÎºÎ.
(27) µþ°ú Çì¾îÁ® ÀÖ°Ô µÈ °Í.

   Le matin, par habitude, Félicité entrait dans la chambre de Virginie, et regardait les murailles. Elle s'ennuyait de
n'avoir plus à peigner ses cheveux, à lui lacer ses bottines, à [la border dans son lit] (28), - et de ne plus voir
continuellement sa gentille figure, de ne plus la tenir par la main quand elles sortaient ensemble. [Dans son
désoeuvrement] (29) elle essaya de faire de la dentelle. Ses doigts trop lourds cassaient les fils ; elle n'entendait
à rien, avait perdu le sommeil, suivant son mot, était « minée ».

(28) Virginie °¡ »ç¿ëÇϴ ħ´ëÀÇ °¡ÀåÀÚ¸®¸¦ ¸ÅÆ®¸®½º ¹ØÀ¸·Î Á¢¾î ³Ö´Â °Í.
(29) ÇÒ ÀÏÀÌ ¾ø¾î ¹«·áÇÒ ¶§¿¡´Â.

   Pour « se dissiper », elle demanda la permission de recevoir son neveu Victor.
   Il arrivait le dimanche après la Messe, les joues roses, la poitrine nue, et sentant [l'odeur de la campagne
qu'il avait traversée] (30). Tout de suite, elle [dressait son couvert] (31). Ils [déjeunaient l'un en face de
l'autre] (32) ; et, mangeant elle-même le moins possible pour épargner la dépense, elle le bourrait tellement de
nourriture qu'il finissait par s'endormir. Au premier coup [des vêpres] (33), elle le réveillait, [brossait son
pantalon] (34), nouait sa cravate, et [se rendait à l'église, appuyée sur son bras dans un orgueil maternel] (35).
   Ses parents le chargeaient toujours d'en tirer quelque chose, soit un paquet de [cassonade] (36), du savon, de
l'eau-de-vie, parfois même de l'argent. Il apportait ses [nippes à raccommoder] (37) ; et elle acceptait cette
besogne, heureuse d'une occasion qui le forçait à revenir.

(30) ±×°¡ Áö³ª¿Â ½Ã°ñÀÇ Çâ±â.
(31) Victor ÀÇ ½ÄŹÀ» Â÷¸®´Ù.
(32) ¼­·Î ¸¶ÁÖ ¾É¾Æ Á¡½É ½Ä»ç¸¦ ÇÏ´Ù.
(33) ¿ÀÈÄ ¿¹¹è.
(34) Victor ÀÇ ¹ÙÁö¸¦ ¼ÖÁúÇÏ´Ù.
(35) ÀÚ½ÄÀÌ ¾ø´Â Félicité °¡ Á¶Ä«¿¡°Ô ´À³¢´Â »ç¶ûÀ» Ç¥ÇöÇÏ´Â ºÎºÐ.
(36) ÇÑ ¹ø Á¤Á¦ÇÑ ¼³ÅÁ.
(37) ¼ö¼±ÇÒ Çå ¿Ê°¡Áö.

   Au mois d'août, son père l'emmena au [cabotage] (38).
   C'était l'époque des vacances. [L'arrivée des enfants] (39) la consola. Mais Paul devenait capricieux, et Virginie
n'avait plus l'âge d'être tutoyée, ce qui mettait une gêne, une barrière entre elles.

(38) ¿¬¾È Ç×ÇØ.
(39) Paul °ú Virginie °¡ ¹æÇÐÀ» ¸Â¾Æ ÁýÀ¸·Î µ¹¾Æ¿Â °Í.

   Victor alla successivement à Morlaix, à Dunkerque et à Brighton ; au retour de chaque voyage, il lui offrait un
cadeau. La première fois, ce fut une boîte en coquilles ; la seconde, une tasse à café ; la troisième, [un grand
bonhomme en pain d'épice] (40). Il embellissait, [avait la taille bien prise] (41), un peu de moustache, de
bons yeux francs, et un petit chapeau de cuir, placé en arrière comme un pilote. Il l'amusait, en lui racontant
des histoires mêlées de termes marins.

(40) »ý°­À» ³ÖÀº »§À¸·Î ¸¸µç Ä¿´Ù¶õ »ç¶÷ ÀÎÇü.
(41) ¾ÆÁÖ ³¯¾ÀÇÑ ¸ö¸ÅÀ» °®°í ÀÖ´Ù.

   Un lundi, [14 juillet] (42) 1819 (elle n'oublia pas la date), Victor annonça qu'il était engagé au [long
cours] (43), et, dans la nuit du surlendemain, par [le paquebot de Honfleur] (44), irait rejoindre [sa goélette
qui devait démarrer du Havre] (45) prochainement. Il serait, peut-être, deux ans parti.

(42) ÇÁ¶û½º ´ëÇõ¸í ±â³äÀÏ.
(43) ¿ø¾ç Ç×ÇØ.
(44) Honfleur ¿¡¼­ Ãâ¹ßÇÏ´Â ¿©°´¼±.
(45) Le Havre ¿¡¼­ Ãâ¹ßÇÏ´Â ´ëÇü ¹ü¼±.

   La perspective d'une telle absence désola Félicité ; et pour lui dire encore adieu, le mercredi soir, après le dîner
de Madame, elle chaussa des galoches, et avala [les quatre lieues qui séparent Pont-l'Evêque de Honfleur] (46).
   Quand elle fut devant [le Calvaire] (47), au lieu de prendre à gauche, elle prit à droite, se perdit dans des
chantiers, [revint sur ses pas] (48) ; des gens qu'elle accosta l'engagèrent à se hâter. Elle [fit le tour du bassin
rempli de navires] (49), se heurtait contre des amarres. Puis le terrain s'abaissa, des lumières s'entrecroisèrent,
et elle se crut folle, en apercevant [des chevaux] (50) dans le ciel.

(46) Pont-l'Evêque ¿¡¼­ Honfleur ±îÁöÀÇ °Å¸® : 16 Kms.
(47) ½ÊÀÚ°¡¿¡ ¸ø¹ÚÈù ¿¹¼ö ±×¸®½ºµµÀÇ »ó.
(48) ¿À´ø ±æÀ» ´Ù½Ã °¡´Ù.
(49) ¹è·Î °¡µæÂù µµÅ©¸¦ ÇÑ ¹ÙÄû µ¹´Ù.
(50) ¹è¿¡ ¼±ÀûµÇ´Â ¸»µé.

   Au bord du quai, [d'autres] (51) hennissaient, effrayés par la mer. [Un palan qui les enlevait] (52) les descendait
dans un bateau, où des voyageurs se bousculaient entre les barriques de cidre, les paniers de fromage, les sacs
de grain ; on entendait chanter des poules, le capitaine jurait ; et [un mousse] (53) restait accoudé sur [le
bossoir] (54), indifférent à tout cela. Félicité, qui ne l'avait pas reconnu, criait « Victor ! » ; il leva la tête ; elle
s'élançait, quand on retira l'échelle tout à coup.

(51) d'autres chevaux.
(52) ¸»µéÀ» ²ø¾î¿Ã¸° ±âÁß±â.
(53) Il s'agit de Victor.
(54) ´éÀ» ¿Ã¸®°í ³»¸®´Â ±â°è.

   Le paquebot, que des femmes [halaient] (55) en chantant, sortit du port. [Sa membrure craquait] (56), les
vagues pesantes fouettaient [sa proue] (57). La voile avait tourné. On ne vit plus personne ; - et, sur [la mer
argentée par la lune] (58), il faisait une tache noire qui s'enfonça, disparut.

(55) ²ø¾î´ç±â´Ù : tirer.
(56) ¼±Ã¼°¡ ºÎµóÄ¡´Â ¼Ò¸®¸¦ ³»´Ù.
(57) ¹î¸Ó¸®.
(58) ´Þºû¿¡ ÀººûÀ¸·Î º¸ÀÌ´Â ¹Ù´Ù.

   Félicité, en passant près du Calvaire, voulut recommander à Dieu [ce qu'elle chérissait le plus] (59) ; et elle
pria pendant longtemps, debout, la face baignée de pleurs, les yeux vers les nuages. La ville dormait, des douaniers
se promenaient ; et de l'eau tombait [sans discontinuer] (60) par les trous de l'écluse, avec un bruit de torrent.
Deux heures sonnèrent.
   [Le parloir] (61) n'ouvrirait pas [avant le jour] (62). [Un retard] (63) bien sûr contrarierait Madame ; et,
malgré son désir d'embrasser [l'autre enfant] (64), elle s'en retourna. Les filles de l'auberge s'éveillaient,
[comme] (65) elle entrait dans Pont-l'Evêque.

(59) Victor.
(60) sans arrêt.
(61) Virginie °¡ ±â¼÷ÇÏ´Â ¼ö³à¿øÀÇ ¸éȸ¼Ò.
(62) ÇØ°¡ ¶ß±â Àü±îÁö´Â.
(63) Retard de Félicité.
(64) Il s'agit de Virginie.
(65) Quand.

   [Le gamin] (66) durant des mois allait donc [rouler sur les flots] (67) ! Ses précédents voyages ne l'avaient
pas effrayée. De l'Angleterre et de la Bretagne on revenait. Mais l'Amérique, les Colonies, les Iles, cela
était perdu dans une région incertaine, à l'autre bout du monde.
   Dès lors Félicité pensa exclusivement à son neveu. Les jours de soleil, [elle se tourmentait de la soif] (68) ;
quand il faisait de l'orage, craignait pour lui la foudre. En écoutant [le vent qui grondait dans la cheminée] (69)
et emportait les ardoises, elle le voyait battu par cette même tempête, au sommet d'un mât fracassé, tout le
corps en arrière, [sous une nappe d'écume] (70) ; ou bien, - [souvenir de la géographie en estampes] (71) -, il
était mangé par les sauvages, pris dans un bois par des singes, se mourait le long d'une plage déserte.
Et jamais, elle ne parlait de ces inquiétudes.

(66) Victor.
(67) Ç×ÇØÇÏ´Ù : naviguer.
(68) Victor ¸¦ »ý°¢ÇÏ¸ç °¥ÁõÀ» ´À³¢´Ù : Elle se sent assoiffée à la pensée de Victor.
(69) º®³­·Î¸¦ ÅëÇÏ¿© µé¸®´Â ¹Ù¶÷ ¼Ò¸®.
(70) sous la mer.
(71) Bourais ¾¾°¡ ¼±¹°ÇÑ ÆÇÈ­ ÁöµµÃ¥ÀÇ ³»¿ëÀ» ¶°¿Ã¸®¸ç.

   Mme Aubain en avait [d'autres] (72) sur sa fille.
   [Les bonnes soeurs] (73) trouvaient qu'elle était affectueuse, mais délicate. La moindre émotion l'énervait.
Il fallut abandonner [le piano] (73).

(72) d'autres inquiétudes.
(73) Les religieuses des Ursulines.
(74) les leçons de piano.

   Sa mère exigeait du couvent une correspondance [réglée] (74). Un matin, que le facteur n'était pas venu,
elle s'impatienta ; et elle marchait dans la salle, de son fauteuil à la fenêtre. C'était vraiment extraordinaire !
Depuis quatre jours, pas de nouvelles !
   Pour qu'elle se consolât par son exemple, Félicité lui dit.
   - « Moi, Madame, voilà six mois que je n'en ai reçu !... »
   - « De qui donc ?... »
   La servante répliqua doucement :
   - « Mais... de mon neveu ! »
   -« Ah ! votre neveu ! » Et, [haussant les épaules] (75), Mme Aubain reprit sa promenade, ce qui voulait dire :
« Je n'y pensais pas !... Au surplus, je m'en moque ! un mousse, un gueux, belle affaire !... tandis que ma fille...
Songez donc !...»
   Félicité, [bien que nourrie dans la rudesse] (76), fut indignée contre Madame, puis oublia.

(74) régulière.
(75) En signe de mépris.
(76) °ÅÄ£ ¸»Åõ¿¡ ÀÌ¹Ì Àͼ÷ÇØ ÀÖ±â´Â ÇÏÁö¸¸.

   Il lui paraissait [tout simple de perdre la tête à l'occasion de la petite] (77).
   [Les deux enfants] (78) avaient une importance égale ; un lien de son coeur les unissait, et [leurs destinées
devaient être la même] (79).
   Le pharmacien lui apprit que le bateau de Victor était arrivé à [la Havane] (80) ; il avait lu, ce renseignement
dans une gazette.
   A cause des cigares, elle imaginait la Havane un pays où l'on ne fait pas autre chose que de fumer, et
Victor circulait parmi des nègres dans un [nuage de tabac] (81). Pouvait-on « en cas de besoin » s'en retourner
par terre ? A quelle distance était-ce de Pont-l'Evêque ? Pour le savoir, elle interrogea M. Bourais.

(77) tout naturel de perdre le bon sens à cause de la petite Virginie.
(78) Victor et Virginie.
(79) Félicité °¡ ¾ÖÁöÁßÁöÇÑ µÎ ¾ÆÀ̵éÀº ½ÇÁ¦·Î °°Àº ¿î¸íÀ» ¸ÂÀÌÇÑ´Ù.
(80) ÇöÀç Cuba ÀÇ ¼öµµ.
(81) fumée de tabac.

   Il [atteignit] (82) son atlas, puis commença des explications sur les longitudes ; et il avait un beau sourire
[de cuistre] (83) devant [l'ahurissement] (84) de Félicité. Enfin, avec son porte-crayon, il indiqua, dans [les
découpures] (85) d'une tache ovale, un point noir, imperceptible, en ajoutant « Voici. » Elle se pencha sur la
carte ; ce réseau de lignes coloriées fatiguait sa vue, sans lui rien apprendre ; et Bourais l'invitant à dire ce
qui l'embarrassait elle le pria de lui montrer la maison où demeurait Victor. Bourais leva les bras, il éternua, rit
énormément ; une candeur pareille excitait sa joie ; et Félicité n'en comprenait pas le motif, - elle qui s'attendait
peut-être à voir jusqu'au portrait de son neveu, tant son intelligence était bornée !

(82) prendre.
(83) en attitude pédantesque.
(84) étonnement, stupéfaction.
(85) Çؾȼ±ÀÇ µéÂß³¯ÂßÇÑ ¸ð¾ç.

   Ce fut [quinze jours après] (86) que Liébard, à l'heure du marché comme d'habitude, entra dans la cuisine ; et lui
remit une lettre qu'envoyait [son beau-frère] (87). Ne sachant lire aucun des deux, elle [eut recours à] (88) sa
maîtresse.
   Mme Aubain, qui comptait les mailles d'un tricot, le posa près d'elle, [décacheta] (89) la lettre, tressaillit, et,
d'une voix basse, avec un regard profond.
   - « C'est un malheur... qu'on vous annonce. Votre neveu... »
   Il était mort. On n'en disait pas davantage.

(86) deux semaines après.
(87) Monsieur Leroux.
(88) demander une aide.
(89) ouvrir.

   Félicité tomba sur une chaise, en s'appuyant la tête à la cloison, et ferma ses paupières, qui devinrent roses
tout à coup. Puis, le front baissé, les mains pendantes, l'oeil fixe, elle répétait par intervalles :
   - « Pauvre petit gars ! pauvre petit gars ! »
   Liébard la [considérait] (90) en exhalant des soupirs. [Mme Aubain tremblait un peu] (91).
   Elle lui proposa d'aller voir [sa soeur] (92), à Trouville.
   Félicite répondit par un geste qu'elle n'en avait pas besoin.
   Il y eut un silence. Le bonhomme Liébard jugea [convenable de se retirer] (93). Alors elle dit :
   - « Ça ne leur fait rien, à [eux] (94) ! »
   Sa tête retomba ; et machinalement, elle soulevait [de temps à autre] (95), les longues aiguilles sur la table à
ouvrage.
   Des femmes passèrent dans la cour avec un bard d'où dégouttelait du linge.

(90) regarder avec attention.
(91) Ce geste montre sa froideur humaine.
(92) la mère de Victor.
(93) qu'il vaut mieux quitter la place.
(94) les parents de Victor.
(95) de temps en temps.

   En les apercevant par les carreaux, elle se rappela sa lessive ; [l'ayant coulée la veille] (96), il fallait aujourd'hui la
rincer ; et elle sortit de l'appartement.
   [Sa planche] (97) et son tonneau étaient au bord de la Toucques. Elle jeta [sur la berge] (98) un tas de chemises,
retroussa ses manches, prit son [battoir] (99) ; et [les coups forts qu'elle donnait] (100) s'entendaient dans les
autres jardins à côté. Les prairies étaient vides, le vent agitait la rivière ; au fond, de grandes herbes s'y
penchaient, comme des chevelures de cadavres flottant dans l'eau. Elle retenait sa douleur, jusqu'au soir fut très
brave ; mais à peine dans sa chambre, elle s'y abandonna, [à plat ventre sur son matelas] (101), le visage
dans l'oreiller, et les deux poings contre les tempes.

(96) Àü³¯ »¡·¡¸¦ »î¾Æ ³õ¾Ò±â¿¡.
(97) ±×³àÀÇ »¡·¡ÆÇ.
(98) °­µÏ À§¿¡.
(99) »¡·¡¹æ¸ÁÀÌ : bâton.
(100) Victor ¸¦ ÀÒÀº ½½ÇÄÀ» ´Þ·¡´Â Félicité ÀÇ Àý±Ô¾î¸° ¸öÁþÀ» »ó¡.
(101) ħ´ë ¸ÅÆ®¸®½º¿¡ ¹è¸¦ ´ë°í.

   Beaucoup plus tard, par [le capitaine de Victor lui-même] (102), elle connut les circonstances de sa fin. On
l'avait trop saigné à l'hôpital, pour la fièvre jaune. Quatre médecins le tenaient à la fois. Il était mort immédiatement,
et le chef avait dit :
   - « Bon ! encore un ! »
   Ses parents l'avaient toujours traité avec barbarie. Elle aima mieux ne pas les revoir ; et [ils ne firent aucune
avance] (103), par oubli, [ou endurcissement de misérables] (104).

(102) Victor °¡ ½Â¼±ÇÑ ¹èÀÇ ¼±Àå.
(103) Victor ÀÇ ºÎ¸ðµéÀº Àý´ë ¿¬¶ôÀ» ÇÏÁö ¾Ê¾Ò´Ù.
(104) Victor ºÎ¸ðµéÀÇ °¡Áõ½º·¯¿î ŵµ°¡ ´õ¿í ½É°¢ÇØÁ®¼­ ÀÎÁö.

   Virginie s'affaiblissait.
   Des oppressions, de la toux, une fièvre continuelle et [des marbrures] (105) aux pommettes décelaient quelque
affection profonde. M. Poupart avait conseillé un séjour en Provence. Mme Aubain s'y décida, et eût tout de
suite repris sa fille à la maison, sans le climat de Pont-l'Evêque.
   Elle fit un arrangement avec un loueur de voitures, qui la menait au couvent chaque mardi. Il y a dans le jardin
une terrasse d'où l'on découvre la Seine. Virginie s'y promenait à son bras, sur les feuilles de pampre tombées.
Quelquefois, le soleil traversant les nuages la forçait à cligner ses paupières, pendant qu'elle regardait les voiles
au loin et tout l'horizon, depuis le château de Tancarville jusqu'aux phares du Havre. Ensuite on se reposait sous
la tonnelle. Sa mère s'était procuré [un petit fût] (106) d'excellent vin de [Malaga] (107) ; et, riant à l'idée d'être
[grise] (108), elle en buvait deux doigts, pas davantage.

(105) ´ë¸®¼®¹«´Ì ¾ó·è.
(106) un petit tonneau.
(107) ÁöÁßÇØ ¿¬¾È¿¡ À§Ä¡ÇÑ ½ºÆäÀÎ ³²ºÎÀÇ Ç×±¸.
(108) ¾ó±ÙÇÏ°Ô ÃëÇÑ : ivre.

   [Ses forces] (109) reparurent. L'automne s'écoula doucement. Félicité rassurait Mme Aubain. Mais, un soir qu'elle
avait été aux environs faire une course, elle rencontra devant la porte [le cabriolet] (110) de M. Poupart ; et il était
dans le vestibule. Madame Aubain nouait son chapeau.
   - « Donnez-moi ma chaufferette, ma bourse, mes gants ! Plus vite donc ! »
   Virginie avait [une fluxion de poitrine] (111) ; c'était peut-être désespéré.
   - « Pas encore » dit le Médecin ; et tous deux montèrent dans la voiture, sous des flocons de neige qui
tourbillonnaient. La nuit allait venir. Il faisait très froid.

(109) les forces de Virginie.
(110) Æ÷ÀåÀ» µÚ·Î Á¥È÷´Â 2·û¸¶Â÷.
(111) Æó·Å : pneumonie.

   Félicité se précipita dans l'église, pour allumer un cierge. Puis elle courut après le cabriolet, qu'elle rejoignit
une heure plus tard, sauta légèrement par derrière, où elle se tenait aux [torsades] (112), quand une réflexion lui
vint :« La cour n'était pas fermée ! si des voleurs s'introduisaient ? » Et elle descendit.
   Le lendemain, dès l'aube, elle se présenta chez le Docteur. Il était rentré, et reparti à la campagne. Puis elle
resta dans l'auberge, croyant que des inconnus apporteraient une lettre. Enfin, [au petit jour] (113), elle prit la
diligence de Lisieux.
   Le couvent se trouvait au fond d'une ruelle escarpée. Vers le milieu, elle entendit des sons étranges, [un glas de
mort] (114). « C'est pour d'autres » pensa-t-elle ; et Félicité tira violemment [le marteau] (115).

(112) Â÷¾È¿¡¼­ ¸öÀÇ ±ÕÇüÀ» Àâ±â À§ÇÏ¿© ºÙÀâ´Â ²ö.
(113) »õº®¿¡ : à l'aube.
(114) Á¶Á¾.
(115) ¹®À» µÎµå¸®´Â ¸ÁÄ¡.

   Au bout de plusieurs minutes, des savates se traînèrent, la porte s'entrebâilla, et une religieuse parut.
   La Bonne-Soeur avec [un air de componction] (116) dit qu'« elle venait de passer ». En même temps, le glas
de Saint-Léonard redoublait.
   Félicité parvint au second étage.
   Dès le seuil de la chambre, elle aperçut Virginie [étalée sur le dos] (117), les mains jointes, la bouche ouverte et
la tête en arrière sous une croix noire s'inclinant vers elle, entre les rideaux immobiles, moins pâles que sa figure.
Mme Aubain, au pied de [la couche] (118) qu'elle tenait dans ses bras, poussait des hoquets d'agonie. [La
supérieure] (119) était debout, à droite. Trois chandeliers sur la commode faisaient des taches rouges, et
le brouillard blanchissait les fenêtres. Des religieuses emportèrent Mme Aubain.

(116) un air sérieux.
(117) µîÀ» ´ë°í ¹ÝµíÇÏ°Ô ´©¾îÀÖ´Â.
(118) Virginie °¡ ´©¿öÀִ ħ»ó.
(119) ¿øÀå ¼ö³à.

   Pendant deux nuits, Félicité ne quitta pas [la morte] (120). Elle répétait les mêmes prières, jetait de l'eau
bénite sur les draps, revenait s'asseoir, et la contemplait. A la fin de la première veille, elle remarqua que la figure
avait jauni, les lèvres bleuirent, [le nez se pinçait] (121), les yeux s'enfonçaient. Elle les baisa plusieurs fois ;
et n'eût pas éprouvé un immense étonnement [si Virginie les eût rouverts] (122) ; pour de pareilles âmes le
surnaturel est tout simple. Elle fit [sa toilette] (123), l'enveloppa de son linceul, la descendit [dans sa bière] (124),
lui posa une couronne, étala ses cheveux. Ils étaient blonds, et [extraordinaires de longueur à son âge]
(125). Félicité en coupa une grosse mèche, dont elle glissa la moitié dans sa poitrine, résolue [à ne jamais
s'en dessaisir] (126).

(120) la dépouille de Virginie.
(121) Ä౸¸ÛÀÌ Á¼¾ÆÁø »óÅÂ.
(122) si Virginie eût rouvert ses yeux.
(123) ½Ã½ÅÀ» ±ú²ýÇÏ°Ô ´Û¾ÆÁÖ´Â °Í.
(124) dans le cercueil.
(125) Virginie ÀÇ ³ªÀÌ¿¡ ºñÇؼ­´Â ¸Å¿ì ±ä ¸Ó¸®.
(126) à ne jamais les abandonner.

   Le corps fut ramené à Pont-l'Evêque, suivant les intentions de Mme Aubain, qui suivait [le corbillard] (127),
dans une voiture fermée.
   Après la messe, il fallut encore trois quarts d'heure pour atteindre le cimetière. Paul marchait en tête, et
sanglotait.M. Bourais était derrière, ensuite les principaux habitants, les femmes, couvertes de mantes noires,
et Félicité. Elle songeait à son neveu, et n'ayant pu lui rendre [ces honneurs] (128), avait un surcroît de
tristesse, comme si on l'eût enterrée avec [l'autre] (129).

(127) ¿µ±¸Â÷.
(128) Àå·Ê ÀǽÄ.
(129) Victor.

   Le désespoir de Mme Aubain fut illimité.
   D'abord elle se révolta contre Dieu, le trouvant injuste de lui avoir pris sa fille, - elle, qui n'avait jamais fait le mal,
et dont la conscience était si pure ! - Mais non ! elle aurait dû l'emporter [dans le Midi] (130). D'autres docteurs
l'auraient sauvée ! Elle s'accusait, voulait la rejoindre, criait en détresse au milieu de ses rêves. Un, surtout,
l'obsédait. Son mari, costumé comme [un matelot] (131), revenait d'un long voyage, et lui disait en pleurant
qu'il avait reçu l'ordre d'emmener Virginie. Alors ils se concertaient pour découvrir une cachette quelque part.
   Une fois, elle rentra du jardin, bouleversée. Tout à l'heure (elle montrait l'endroit), le père et la fille lui
étaient apparus [l'un auprès de l'autre] (132), et ils ne faisaient rien ; ils la regardaient.
   Pendant plusieurs mois, elle resta dans sa chambre, inerte. Félicité la sermonnait doucement. Il fallait [se
conserver] (133) pour son fils, et pour l'autre, en souvenir « d'elle ».
   - « Elle ? » reprenait Mme Aubain, comme se réveillant. « Ah ! oui !... oui !... Vous ne l'oubliez pas ! »
Allusion au cimetière, qu'on lui avait scrupuleusement défendu.

(130) Dans le Provence.
(131) Victor ¿¡ ´ëÇÑ ¾Ï½Ã·Îµµ º¼ ¼ö ÀÖ½¿.
(132) Â÷·Ê·Î.
(133) ½º½º·Î ¸öÀ» Ãß½º¸£´Ù.

   Félicité tous les jours [s'y rendait] (134).
   [A quatre heures précises] (135), elle passait au bord des maisons, montait la côte, ouvrait la barrière, et
arrivait devant la tombe de Virginie. C'était une petite colonne de marbre rose, avec une dalle dans le bas, et des
chaînes autour enfermant [un jardinet] (136). Les plates-bandes disparaissaient sous une couverture de fleurs.
Elle arrosait leurs feuilles, renouvelait le sable, [se mettait à genoux] (137) pour mieux labourer la terre. Mme
Aubain, quand elle put y venir, en éprouva un soulagement, une espèce de consolation.

(134) se rendre au cimetière.
(135) A quatre heures pile.
(136) un petit jardin.
(137) ¹«¸­À» ²Ý°í.

   Puis des années s'écoulèrent, [toutes pareilles] (138), et sans autres épisodes que le retour des grandes Fêtes,
Pâques, l'Assomption, la Toussaint. [Des événements intérieurs] (139) faisaient une date, [où l'on se reportait
plus tard] (140). Ainsi, en 1825 deux vitriers badigeonnèrent le vestibule ; en 1827, une portion du toit,
tombant dans la cour, faillit tuer un homme. L'été de 1828, ce fut à Madame d'offrir le pain bénit ; Bourais,
vers cette époque, s'absenta mystérieusement ; et [les anciennes connaissances] (141) peu à peu s'en
allèrent : Guyot, Liébard, Mme Lechaptois, Robelin, l'oncle Gremanville, paralysé depuis longtemps.

(138) toutes les années sont passées pareillement.
(139) Áý¾È¿¡¼­ ÀϾ »ç°Çµé.
(140) ³ªÁß¿¡ ±â¾ïÇÏ°Ô µÉ.
(141) ¿¹ÀüºÎÅÍ ¾Ë°í Áö³»´ø »ç¶÷µé.

   Une nuit, le conducteur de la malle-poste annonça dans Pont-l'Evêque [la Révolution de Juillet] (142). Un
sous-préfet nouveau, peu de jours après, fut nommé : le baron de Larsonnière, ex-consul en Amérique, et
qui avait chez lui, outre sa femme, sa belle-soeur avec trois demoiselles, assez grandes déjà. On les apercevait
sur leur gazon, habillées de blouses [flottantes] (143) ; elles possédaient un nègre et un perroquet.
Mme Aubain eut leur visite, et [ne manqua pas de la rendre] (144). Du plus loin qu'elles paraissaient, Félicité
accourait pour la prévenir. Mais une chose était seule capable de l'émouvoir, les lettres de son fils.

(142) 1830³â¿¡ ÀϾ 7¿ù Çõ¸íÀ¸·Î º¹°í ¿ÕÁ¤ÀÌ Á¾½ÄµÇ°í Louis-Philippe ÀÌ Áý±ÇÇÏ°Ô µÊ.
(143) Çæ··ÇÑ : ample.
(144) ´ä¹æÇÏ´Â °ÍÀ» ÀØÁö ¾Ê¾Ò´Ù.

   Il ne pouvait suivre aucune carrière, étant absorbé dans [les estaminets] (145). Elle lui payait ses
dettes ; il en faisait [d'autres] (146) et les soupirs que poussait Mme Aubain, en tricotant près de la fenêtre,
arrivaient à Félicité, qui [tournait son rouet] (147) dans la cuisine.
   Elles se promenaient ensemble le long de l'espalier ; et causaient toujours de Virginie, se demandant si telle
chose lui aurait plu, en telle occasion ce qu'elle eût dit probablement.

(145) dans les cafés.
(146) d'autres dettes.
(147) ¹°·¹¸¦ µ¹¸®´Ù.

   Toutes ses petites affaires occupaient un placard dans la chambre à deux lits. Mme Aubain les inspectait
[le moins souvent possible] (148). Un jour d'été, [elle se résigna] (149) ; et des papillons s'envolèrent de l'armoire.
   Ses robes étaient en ligne sous une planche où il y avait trois poupées, des cerceaux, [un ménage] (149),
la cuvette qui lui servait. Elles retirèrent également les jupons, les bas, les mouchoirs, et les étendirent [sur les
deux couches] (150), avant de les replier. Le soleil éclairait ces pauvres objets, en faisait voir les taches, et des
plis formés par les mouvements du corps. L'air était chaud et bleu. Un merle gazouillait, tout semblait vivre
dans une douceur profonde. Elles retrouvèrent un petit chapeau de peluche, à longs poils, couleur marron.
Mais il était [tout mangé de vermine] (151). Félicité le réclama pour elle-même. Leurs yeux se fixèrent [l'une sur
l'autre] (152), s'emplirent de larmes ; enfin la maîtresse ouvrit ses bras, la servante s'y jeta, et elles s'étreignirent,
satisfaisant leur douleur dans un baiser qui les égalisait.
   C'était la première fois de leur vie, Mme Aubain n'étant pas d'une [nature expansive] (153). Félicité lui en fut
reconnaissante comme d'un bienfait, et désormais la chérit avec un dévouement [bestial] (154) et une
vénération religieuse.

(148) °¡´ÉÇÑ ÇÑ ´ú.
(149) °íÁýÀ» Á¢°í Virginie ÀÇ ¹æÀ» ã¾Ò´Ù.
(150) sur les deux lits.
(151) Á»ÀÌ ½½¾î ÀÖ¾ú´Ù.
(152) ¼­·Î¿¡°Ô.
(153) nature ouverte.
(154) comme une bête.

   La bonté de son coeur se développa.
   Quand elle entendait dans la rue les tambours d'un régiment [en marche] (155), elle se mettait devant la
porte avec une cruche de cidre, et offrait à boire aux soldats. Elle soigna [des cholériques] (156). Elle
protégeait les Polonais, et même il y en eut un qui déclarait la vouloir épouser. Mais ils [se fâchèrent] (157) ;
car un matin, en rentrant de [l'angélus] (158), elle le trouva dans sa cuisine, où il s'était introduit, et [accommodé
une vinaigrette] (159) qu'il mangeait tranquillement.

(155) ÇàÁøÇÏ°í ÀÖ´Â.
(156) ÄÝ·¹¶ó ȯÀÚµé.
(157) »çÀÌ°¡ Ʋ¾îÁö´Ù.
(158) »ïÁ¾±âµµ.
(159) ½ÄÃÊ ¼Ò½º¸¦ Ä£ °í±â¸¦ Á¶¸®ÇÏ´Ù.

   Après les Polonais, ce fut le père Colmiche, un vieillard passant pour avoir fait [des horreurs en 93] (160).
Il vivait au bord de la rivière, dans les décombres d'une [porcherie] (161). Les gamins le regardaient par
les fentes du mur, et lui jetaient des cailloux, qui tombaient sur [son grabat] (162), où il [gisait] (163),
continuellement secoué par un catarrhe, avec des cheveux très longs, les paupières enflammées et au bras,
[une tumeur] (164) plus grosse que sa tête. Elle lui procura du linge, tâcha de nettoyer [son bouge] (165),
rêvait à l'[établir] (166) dans le fournil, sans qu'il gênât Madame. Quand le cancer eut crevé, elle le pansa tous
les jours, lui apportait de la galette, le plaçait au soleil sur une botte de paille ; et le pauvre vieux, en bavant et
en tremblant, la remerciait de sa voix éteinte, craignait de la perdre ; allongeait les mains dès qu'il la voyait
s'éloigner. Il mourut ; elle fit dire une messe pour le repos de son âme.

(160) 1793³â °øÆ÷Á¤Ä¡ÇÏ¿¡¼­ ÀúÁö¸¥ ÇàÀ§.
(161) µÅÁö¿ì¸®.
(162) º´¼®.
(163) ²Ä¦¾Ê°í ´©¿öÀÖ´Ù : gésir.
(164) Á¾¾ç.
(165) ´©ÃßÇÑ Áý : taudis.
(166) µ¥·Á¿À´Ù : emmener.

   Ce jour-là, il lui advint un grand bonheur : au moment du dîner, le nègre de [Mme de Larsonnière] (167)
se présenta, tenant le perroquet dans sa cage, avec le bâton, la chaîne et le cadenas. [Un billet] (168) de la
Baronne annonçait à Mme Aubain que, [son mari étant élevé à une préfecture] (169), ils partaient [le soir] (170)
; et elle la priait d'accepter cet oiseau comme un souvenir et en témoignage de ses respects.
   Il occupait depuis longtemps l'imagination de Félicité, car il venait d'Amérique et ce mot lui rappelait Victor,
si bien qu'elle s'en informait auprès du nègre. Une fois même elle avait dit : - « C'est Madame qui serait heureuse
de l'avoir ! »
   Le nègre avait redit le propos à sa maîtresse, qui, ne pouvant l'emmener, s'en débarrassait de cette façon.

(167) ºÎÁö»çÀÇ ºÎÀÎ.
(168) Une lettre.
(169) ³²ÆíÀÌ ½ÂÁøÇÏ¿© µµÃ»¿¡ ±Ù¹«ÇÏ°Ô µÇ¾ú±â¿¡.
(170) ´çÀÏ Àú³áÀ¸·Î.


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